Les implications de la Loi Climat et Résilience pour les propriétaires-bailleurs
Le législateur adopte régulièrement des dispositions destinées à améliorer les rapports entre bailleurs et locataires. Les enjeux sont nombreux et évoluent au gré des préoccupations sociales et environnementales.
La Loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 a défini et organisé les droits et obligations des cocontractants en aménageant les modalités de fixation du loyer, de délivrance du congé ou d’exécution du bail, en déterminant les conditions de conclusion du contrat de bail et en délimitant les charges susceptibles d’être demandées au locataire.
Elle n’a cessé d’être amendée. L’une des réformes les plus significatives est certainement celle issue de la Loi ELAN n° 2018-1021 du 23 novembre 2018.
Dans le cadre de la Loi Climat et Résilience n° 202-1104 du 22 août 2021, le législateur a encore durci les conditions de location des biens à usage d’habitation soumis à la loi du 6 juillet 1989 aux fins d’inciter, ou plus certainement contraindre, les propriétaires bailleurs à engager des travaux de rénovation énergétique.
L’objectif est de supprimer à terme le nombre de logement présentant des performances énergétiques et environnementales médiocres, en d’autres termes les « passoires énergétiques », lesquels sont occupés dans l’immense majorité des cas par des locataires aux revenus modestes. Les propriétaires bailleurs sont, dès lors, astreints à de nouvelles obligations.
Quelles nouvelles obligations ?
Les logements sont classés selon leur niveau de performance énergétique et de performance en matière d’émission de gaz à effet de serre (CES). La classification couvre les catégories A pour les biens « extrêmement performants » à la catégorie G pour les logements « extrêmement peu performants ».
Les propriétaires bailleurs ont déjà l’obligation de produire un dossier de diagnostic technique aux termes des dispositions de l’article 3-3 de la loi du 6 juillet 1989. Un diagnostic de performance énergétique doit notamment être annexé au contrat de bail.
La Loi Climat et Résilience, qui s’inscrit dans une démarche de réduction des émissions de CO2 et de consommation d’énergie par la France, va plus loin en contraignant le bailleur à faire établir un audit énergétique. Cet audit, réalisé par un auditeur énergétique, devra lister les recommandations de travaux à entreprendre pour diminuer la consommation énergétique du logement et permettre, en conséquence, de réduire les factures des locataires.
Le législateur a imposé un calendrier applicable en fonction de la catégorie à laquelle les logements appartiennent.
Ainsi, l’audit devra être réalisé en 2022 pour les logements classés en catégorie F et G, en 2025 pour les logements relevant de la catégorie E et en 2034 pour les logements relevant de la catégories D.
Le propriétaire bailleur devra ensuite réaliser ou faire réaliser les travaux préconisés aux fins de proposer à la location un logement « décent » sur le plan environnemental et économique.
De l’incitation à la contrainte…
Le propriétaire bailleur sera donc contraint à procéder à des investissements s’il entend continuer à proposer son bien à la location.
Si le dispositif peut paraître incitatif et vertueux au regard du large panel d’aides financières à la rénovation énergétique (maPimeRénov’, le Programme habiter Mieux de l’Anah, les Aides d’Action Logement, l’éco-PTZ…), il s’avère, en réalité, coercitif.
En effet, les hausses de loyers seront interdites pour les logements classés F et G à compter du 22 août 2022. Cela implique un gel des loyers en cas de renouvellement ou de nouvelle location. Mais pas seulement. Le loyer ne pourra plus être indexé en cours de bail.
À terme, et sans travaux de rénovations énergétiques globaux et performants, les logements relevant des catégories G, F et E ne pourront plus être proposés à la location à compter de 2025 (G), de 2028 (F) et de 2034 (E).
La fin justifie-t-elle les moyens ?
Ces dispositions ont un objectif louable sur le plan social dans la mesure où elles visent à améliorer les conditions d’occupation des logements loués et à éradiquer les biens énergivores, engendrant des factures énergétiques excessives dans un contexte où le coût des ressources progresse de manière exponentielle.
C’est un moyen, en d’autres termes, de préserver le pouvoir d’achat des foyers modestes alors que le coût de l’énergie flambe.
L’enjeu est également environnemental puisque ces dispositions constituent une partie des mesures destinées à atteindre les engagements européens de la France dans la baisse des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030.
Ces contraintes s’inscrivent toutefois dans une démarche accrue de limitation du droit de propriété, droit à caractère fondamental, pour la satisfaction d’intérêts collectifs. Concrètement, il est imposé au propriétaire de faire réaliser des travaux permettant d’atteindre un niveau de performance énergétique et d’émission de gaz à effet de serre satisfaisant et, à défaut, il sera interdit de louer son bien. Il s’agit manifestement d’une atteinte à son droit d’utiliser (usus) et recueillir les fruits (fructus).
Il est également nécessaire d’apprécier ces contraintes à la lumière de la pression fiscale subie par les propriétaires bailleurs dans un contexte de hausse des taxes foncières et des incitations fiscales destinées à les encourager à diminuer les loyers en contrepartie d’un crédit d’impôt.
Il n’est absolument pas certain que les petits propriétaires bailleurs pourront suivre la cadence entre investissements imposés pour continuer à louer leur petit patrimoine, les charges de plus en plus élevées et les très fréquentes difficultés pour obtenir un paiement régulier des loyers en présence de locataires indélicats. Il est fort à parier, que, découragés, ils seront nombreux à revendre un bien qu’ils avaient pourtant acquis pour se garantir un complément de revenu au moment du départ à la retraite.
La fin justifie certainement les moyens à long terme mais l’addition risque d’être élevée pour de nombreux propriétaires bailleurs privés, et ce, à brève échéance…