L’arrêt du Conseil d’Etat du 5 juillet 2021 (n°434517) : Précisions sur le régime fiscal des pensions alimentaire en nature
Quelles sont les obligations des parents au titre de la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants ?
Aux termes des dispositions de l’article 371-2 du Code civil, les parents doivent contribuer à l’entretien et à l’éducation de leurs enfants à proportion de leurs ressources et en fonction des besoins de l’enfant.
Cette obligation d’entretien perdure même après la majorité de l’enfant.
Si l’obligation alimentaire des parents est peu discutée dans le cadre du foyer familial, les discussions surviennent et peuvent être exacerbées lorsque les parents se séparent, et ce, quelles que soient les hypothèses de rupture (divorce, rupture du Pacs ou du concubinage).
Quelle forme revêt la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants ?
La pension alimentaire revêt classiquement la forme d’un paiement d’une somme d’argent entre les mains du parent chez lequel la résidence de l’enfant mineur est fixée en vertu des dispositions de l’article 373-2-2 du Code civil.
Cette contribution peut également correspondre en tout ou en partie à la prise en charge directe de dépenses réalisées au profit de l’enfant.
En effet, le parent débiteur peut accepter ou être condamné à assumer, en sus du paiement d’une somme d’argent, des frais engagés spécifiquement pour l’enfant.
La contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant peut également prendre la forme d’une pension alimentaire en nature dans sa totalité.
Dès lors, il peut s’agir des frais de scolarité, des dépenses extra-scolaires, de frais de garde ou de cantine, des cours de soutien scolaire, de la complémentaire santé ou toute autre dépense réglées directement par le débiteur au titre de l’entretien et l’éducation des enfants.
Cette contribution en nature revêt, sans doute, un aspect psychologique dans la mesure où la dépense est engagée de manière exclusive et certaine pour l’enfant.
L’inconvénient est qu’elle peut être indéterminée ou évoluer de manière significative dans son montant. A titre d’exemple, les frais de scolarité que le parent a accepté de prendre en charge pourront être modestes lors de l’enfance et prendre des proportions non négligeables si l’enfant entreprend des études longues et coûteuses.
Quel est le régime fiscal de la pension alimentaire en nature ?
L’impact de la contribution alimentaire sur les revenus des deux parents doit retenir l’attention dans la mesure où elle peut entraîner une imposition sur les revenus pour le parent bénéficiaire, ou à tout le moins une augmentation de l’impôt, et revêt une importance appréciable pour celui qui la supporte.
A ce titre, l’arrêt du Conseil d’Etat du 5 juillet 2021 est particulièrement intéressant en ce qu’il précise le régime fiscal de la pension alimentaire sous forme de contribution en nature.
En l’espèce, l’administration fiscale a réintégré dans les revenus imposables de la mère d’enfants mineurs les dépenses assumées directement par le père en application d’une ordonnance de non-conciliation et d’un jugement de divorce.
Le parent créancier a contesté la position de l’administration fiscale devant le Tribunal administratif de Paris puis devant la Cour administrative d’appel de Paris.
Ses demandes ont été rejetées.
Le Conseil d’Etat a donc été saisi aux fins de se prononcer sur le régime fiscal des contributions en nature.
Précisément, la problématique était celle de savoir si la contribution parentale en nature doit être déclarée au titre des revenus par le parent bénéficiaire.
Sur le fondement du Code général des impôts, la haute Juridiction rappelle la nature des revenus qui doivent être déclarés et précise que la base d’imposition comprend « tous les avantages en argent ou en nature accordés aux intéressés ».
Le Conseil d’Etat mentionne également les spécificités liées à la contribution réglée à un enfant majeur, laquelle peut être prise en compte dans les limites admises pour leur déduction, et celles liées à la pension alimentaire versée pour un enfant mineur vivant en résidence alternée chez ses parents et pris en compte pour la détermination du quotient familial de chacun d’eux.
Il retient des dispositions légales la solution suivante :
« Les pensions alimentaires versées au titre de la contribution à l’entretien et l’éducation des enfants mineurs, y compris lorsqu’elles prennent la forme de prestations en nature, doivent être comprises dans les bases de l’impôt sur le revenu dû par le parent qui en bénéficie au titre de l’année en cours de laquelle celui-ci les a perçues, quelle que soit la répartition du quotient familial entre les deux parents. Par suite, c’est sans erreur de droit que la Cour a jugé que Mme A… devait être imposée à raison des pensions alimentaires réglées en nature par M. C… en exécution de l’Ordonnance de non-conciliation du 3 avril 2009 et du jugement de divorce du 28 septembre 2021, alors que les dépenses correspondantes étaient directement prises en charge par M. C… »
En d’autres termes, les contributions en nature résultant du paiement des frais de scolarité, des dépenses extra-scolaires, des frais de garde… doivent être déclarées au titre des revenus imposables par le parent qui en bénéficie. Parallèlement et très logiquement, le parent qui assume directement ces dépenses peut les déduire de son revenu imposable.
En conclusion, la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants mineurs doit être déclarée quelle que soit sa forme, en argent, en nature ou mixte, au titre des revenus perçus pour le parent bénéficiaire ou au titre des charges pour le parent débiteur.