Maître Isabelle THOMAS
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Le promettant a-t-il la faculté de se rétracter avant la levée de l’option par le bénéficiaire de la promesse unilatérale de vente (Arrêt Cass. Civ. 3ème, 23 juin 2021, n° 20-17.554)


Qu’est-ce que la promesse unilatérale de vente et quel est son mécanisme ?

 

La promesse unilatérale de vente est un avant-contrat aux termes duquel le promettant s’engage par avance à vendre une chose tandis que le bénéficiaire dispose d’une option, celle de contracter ou pas.

Le bénéficiaire n’a donc aucune obligation d’acquérir le bien promis. En effet, dans la mesure où il n’a pas manifesté son consentement, il est parfaitement libre d’acquérir ou de se rétracter.

La promesse unilatérale de vente comporte l’ensemble des éléments essentiels à la vente, en l’occurrence la désignation de la chose et son prix. Il y est généralement prévu le paiement d’un dépôt de garantie dont la qualification juridique dépendra de la levée ou non de l’option.

Ainsi, lorsque le bénéficiaire lève l’option, il manifeste son consentement à acquérir. Le promettant ayant d’ores et déjà donné son consentement, la vente devient parfaite. Le dépôt de garantie est alors qualifié d’acompte sur le prix de vente.

A l’inverse, si le bénéficiaire renonce à acquérir ou s’il ne lève pas l’option dans les délais impartis, le dépôt de garantie est qualifié d’indemnité d’occupation. Elle constitue la contrepartie de l’exclusivité consentie au bénéficiaire et est acquise au promettant.

 

Le promettant a-t-il la faculté de renoncer à son engagement ?

 

Dans l’arrêt du 23 juin 2021 (n° 20-17.554), la problématique soumise à la Cour de cassation était celle de savoir si le promettant peut se rétracter avant que le délai d’option n’ait commencé à courir et, donc, avant que le bénéficiaire ait levé l’option et de déterminer quelles sont les conséquences d’une telle rétractation.

Les faits sont les suivants :

Un couple avait consenti à la vente d’un appartement en copropriété et de la moitié de la cour indivise à un autre couple aux termes d’une promesse unilatérale de vente régularisée le 1er avril 1999. L’option ne pouvait toutefois être levée qu’au décès de l’ancienne propriétaire qui s’était réservé un droit d’usage et d’habitation viager.

Les promettants ont divorcé et l’ex-épouse est devenue attributaire de l’appartement.

Celle-ci s’est rétractée de la promesse unilatérale de vente le 17 février 2010, soit avant le décès de l’ancienne propriétaire et, en définitive, avant que le délai d’option n’ait commencé à courir.

Les bénéficiaires ont informé de leur intention d’acquérir le bien immobilier le 8 janvier 2011 et ont sollicité la réalisation forcée de la vente.

 

La solution jurisprudentielle antérieure à la réforme du droit des obligations

 

Or, il était de jurisprudence constante que la rétractation du promettant avant la levée de l’option excluait toute rencontre de volonté en application des dispositions de l’article 1589 du Code civil de sorte que la vente ne pouvait être conclue. Le bénéficiaire ne pouvait donc obtenir la réalisation forcée de la vente mais uniquement des dommages-intérêts destinés à réparer son préjudice.

Dans son arrêt du 23 juin 2021, la Cour de cassation rappelle cette solution jurisprudentielle :

« En application des articles 1101 et 1134 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et 1583 du même code, la Cour de cassation jugeait jusqu'à présent, que, tant que les bénéficiaires n'avaient pas déclaré acquérir, l'obligation du promettant ne constituait qu'une obligation de faire.

Il en résultait que la levée de l'option, postérieure à la rétractation du promettant, excluait toute rencontre des volontés réciproques de vendre et d'acquérir, de sorte que la réalisation forcée de la vente ne pouvait être ordonnée (3e Civ., 15 décembre 1993, pourvoi n° 91-10.199, Bull. 1993, III, n° 174), la violation, par le promettant, de son obligation de faire ne pouvant ouvrir droit qu'à des dommages-intérêts (3e Civ., 28 octobre 2003, pourvoi n° 02-14.459).

Cependant, à la différence de la simple offre de vente, la promesse unilatérale de vente est un avant-contrat qui contient, outre le consentement du vendeur, les éléments essentiels du contrat définitif qui serviront à l'exercice de la faculté d'option du bénéficiaire et à la date duquel s'apprécient les conditions de validité de la vente, notamment s'agissant de la capacité du promettant à contracter et du pouvoir de disposer de son bien.

Par ailleurs, en application de l'article 1142 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, la jurisprudence retient la faculté pour toute partie contractante, quelle que soit la nature de son obligation, de poursuivre l'exécution forcée de la convention lorsque celle-ci est possible (1re Civ., 16 janvier 2007, pourvoi n° 06-13.983, Bull. 2007, I, n° 19) ».

C’est précisément cette solution qui aurait dû être rendue puisque la promesse unilatérale de vente a été conclue le 1er avril 1999, que la renonciation du promettant et la levée de l’option par les bénéficiaires sont intervenues les 17 février 2010 et 8 janvier 2011.

La convention relevait, en conséquence, des dispositions légales antérieures à la réforme du droit des obligations.

 

L’apport de la réforme du droit des obligations

 

Cependant, la réforme du droit des obligations issue de l’Ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et précisément, la nouvelle rédaction de l’article 1124 du Code civil condamnent cette solution antérieure.

En effet, l’article 1124 du Code civil prévoit désormais que « la rétractation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n’empêche pas la formation du contrat promis »

 

L’engagement du promettant est définitif : Quelle conséquence ?

 

La Cour de cassation fait donc application de ce texte à des circonstances de faits pourtant antérieures à son entrée en vigueur :

 

« Il convient dès lors d'apprécier différemment la portée juridique de l'engagement du promettant signataire d'une promesse unilatérale de vente et de retenir qu'il s'oblige définitivement à vendre dès la conclusion de l'avant-contrat, sans possibilité de rétractation, sauf stipulation contraire.

La cour d'appel a relevé que, dans l'acte du 1er avril 1999, Mme [K] avait donné son consentement à la vente sans restriction et que la levée de l'option par les bénéficiaires était intervenue dans les délais convenus.

Ayant retenu à bon droit que la rétractation du promettant ne constituait pas une circonstance propre à empêcher la formation de la vente, elle en a exactement déduit que, les consentements des parties s'étant rencontrés lors de la levée de l'option par les bénéficiaires, la vente était parfaite. »

L’engagement du promettant doit désormais être entendu, non comme une obligation de faire dont la violation peut être résolue par l’octroi de dommages-intérêts, mais comme un engagement définitif de vendre dès la conclusion de la promesse unilatérale de vente. Ainsi, à partir de la conclusion de l’avant-contrat, le promettant ne peut plus se rétracter et la vente devient parfaite dès la levée de l’option dans les délais convenus.

 

La morale…

 

La sanction est sévère pour les promettants qui ne pouvaient prévoir la nouvelle rédaction de l’article 1124 du Code civil et un tel revirement jurisprudentiel.

La seule échappatoire est désormais de prévoir une clause aux termes de laquelle le promettant se ménage une faculté de rétractation.

Il convient donc d’être très prudent lors de la rédaction des promesses unilatérale de vente car l’engagement du promettant ne peut intervenir avec légèreté. Il convient d’anticiper une modification future des situations personnelles et familiales susceptibles de conduire à un changement de position, et, plus précisément, à une volonté de ne plus vendre le bien promis.


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